Reconnaissance des maladies professionnelles
- que les nouvelles procédures de traitement des dossiers mises en oeuvre dans le cadre de la modernisation de la justice J21 (loi du 18 nov 2018) qui apportent plusieurs modifications dans les structures; et la loi 2019-2022 (du 23 mars 2019) qui a amorcé la réforme du contentieux de la sécurité sociale, (applicable depuis le 1ier décembre 2019), ne soient pas défavorables aux victimes.
En particulier, et à titre d'exemple, pour les maladies hors tableau, ce qui entre autres, est un des objectifs de l'article ci-dessous. Sans rentrer dans les détails techniques le traitement des nombreux cas devant le CRRMP comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles , est devenu "disons" pas toujours dans l'esprit recherché.
Alors si nous saluons avec beaucoup de satisfaction (après 4 années de négociations), la très prochaine parution dans le JO de création d'un tableau du cancer du rein, nous disons: un grand "oui / mais" pour les perspectives que portent l'article ci-dessous. Les conclusions seront une grande avancée à la condition que toutes les parties jouent sur le même terrain !
L'expertise scientifique pour la reconnaissance des maladies professionnelles - Trois questions à Henri Bastos, Directeur scientifique santé travail à l’Anses.
Actualité du 15/03/2021
Afin d’améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles en France, le gouvernement a décidé de mettre en place une expertise collective et indépendante pour appuyer l’élaboration des tableaux de maladies professionnelles. Cette expertise scientifique s’appuie sur l’expertise de l’Anses.
En France, les tableaux de maladies professionnelles sont les principaux piliers du système de reconnaissance des pathologies liées au travail. Leur création ou modification est un enjeu important, qui nécessite de s’appuyer sur des connaissances scientifiques établissant un lien de causalité entre des expositions ou conditions de travail et des maladies. Ce lien n’est cependant ni simple ni direct. Jusqu’à présent, la création et la modification des tableaux résultaient en grande partie de négociations entre partenaires sociaux, où les considérations scientifiques étaient mises en discussion avec d’autres politico-sociales et économiques.
Or, il est aujourd’hui bien établi qu’il existe un large décalage entre, d’une part, l’état des connaissances sur les effets d’un certain nombre de facteurs de risque professionnel et, d’autre part, leur prise en compte par le système des tableaux. Ce décalage contribue à la sous-reconnaissance structurelle des pathologies d’origine professionnelle. Afin de pouvoir faire progresser cette reconnaissance, en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des pratiques professionnelles, il est apparu nécessaire de recourir à une expertise scientifique collective et indépendante. C’est pourquoi le gouvernement a décidé en 2018, de séparer la phase d’expertise de la phase de négociation, dans le cadre de la procédure de création ou de révision des tableaux de maladies professionnelles, et de s’appuyer notamment sur l’expertise de Anses.
Il faut avant tout indiquer que cette méthodologie est le fruit d’une expertise collective associant, au sein d’un groupe de travail dédié, des experts de diverses disciplines telles que l’épidémiologie, la médecine, la toxicologie, la sociologie, l’expologie (connaissance des expositions), l’ergonomie ou encore le droit social.
Le but de cette méthodologie est de définir un cadre de recueil et d’analyse des données scientifiques. L’évaluation de ces données par l’Agence permettra aux pouvoirs publics de décider, de la pertinence de la création ou la révision d’un tableau, après avoir pris l’avis des commissions de maladies professionnelles dans lesquelles siègent notamment les partenaires sociaux. Cette méthodologie aborde ainsi l’ensemble des étapes nécessaires à cet objectif comme la définition des critères de diagnostic utilisés pour la désignation de la pathologie, la description des expositions professionnelles pouvant y être associées et surtout l’établissement d'une relation causale entre les deux. Elle comprend également un volet en sciences humaines et sociales, permettant de prendre en compte les différents enjeux, en particulier sociologiques ou juridiques.
Nos premiers travaux ont concerné dans un premier temps, l’étude du lien entre les expositions aux pesticides, et notamment la chlordécone, et le cancer de la prostate. Ces travaux viennent d’être transmis aux ministères compétents et seront bientôt restitués devant les commissions de maladies professionnelles (CS4 et Cosmap). Dans un second temps, nous étudierons le lien entre les expositions professionnelles à l’amiante et les cancers des ovaires, du larynx, du pharynx, de l’estomac et colorectaux.
En prévoyant le recours à une expertise scientifique indépendante, collective et pluridisciplinaire, la réorganisation souhaitée par les pouvoirs publics vise à lutter plus efficacement contre la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Il s’agit en particulier d’améliorer la capacité du système de reconnaissance à prendre en compte l’évolution des connaissances scientifiques et des pratiques professionnelles. Il faut cependant souligner que l’accès à une expertise scientifique plus robuste et plus indépendante ne garantit pas à lui seul une amélioration de la capacité du système actuel à remplir ses objectifs de reconnaissance et de prévention.
Au-delà de la production d’une expertise utile à la réflexion sur la création ou l’évolution des tableaux de maladies professionnelles, nous pensons que nos travaux, de par leur caractère public, pourront servir, plus largement, de support à l’activation de droits sociaux. En effet, les tableaux existants et les arguments ayant concouru à leur adoption, ne sont pas toujours connus et peuvent donner lieu à des interprétations différentes par les acteurs participant au dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles : les travailleurs exposés à des facteurs de risque qui développent une maladie et souhaitent initier les démarches de reconnaissance ; les médecins qui doivent les aider dans ces démarches en rédigeant les certificats objectivant leur état de santé ; les caisses d’assurance sociale qui assurent la gestion médico-administrative des demandes, les employeurs recevant les déclarations de maladie professionnelle… Il est donc important que les travaux de l’Agence permettent à tous les acteurs impliqués dans les démarches liées à la reconnaissance des maladies professionnelles, puissent s’appuyer sur des données scientifiques solides pour défendre leurs positions.