Un député a écrit de l'Assemblée Nationale !
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La nouvelle vitrine de la SNCF (ou plutôt de son groupe) a largement été médiatisée:. prouesse technique (on espère que les multiples retards accumulés durant les dernière années, seront définitivement derrière les travaux), intérêts pour les voyageurs, on devrait dire les utilisateurs (tous n'auront pas accès ou avec difficultés) de ce nouveau fleuron. Nous partageons donc la déclaration et les inquiétudes soulevées:.
Ci-joint le courrier de Monsieur le député de la 3ème circonscription de la Gironde
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTE - EGALITE - FRATERNITE
Bordeaux, le 1er juillet 2017
Mettre PARIS à 2h04 de BORDREAUX et ANGOULEME à 35 mn, réaliser 340 km (302 km de double voie), 400 ouvrages d'art, 19 viaducs, 7 tranchées couvertes,... constitue une performance technique.
Les délais de réalisation et l'importance des moyens mis à disposition démontrent une fois de plus la capacité des hommes à mener à terme des chantiers titanesques qui marquent le pays. Nous devons ici d'abord féliciter les salariés qui par tous les temps ont concrétisé ce projet et sans qui les milliards mis sur la place publique ne seraient restés qu'une ligne d'écriture.
Mals tout cela constitue-t-11 un progrès ?
Pour répondre à cette question, il faut identifier l'intérêt général et donc évaluer le ratio co0t / bénéfice pour les gens, la nation, l'environnement.
Pour les voyageurs du quotidien probablement que le gain de temps réalisé entre les différentes villes en satisfera bon nombre à condition que les prix des billets soient abordables. car la question reste essentiellement financière pour les voyageurs bien s0r, mais également pour le contribuable, pour la SNCF et bien s0r pour la société LISEA pilotée par VINCI.
Je remarque à ce jour que la rentabilité de la ligne n'est toujours pas avérée puisque la SNCF a les plus grandes craintes d'y perdre de l'argent. L'âpre négociation autour du nombre d'aller-retour en a été la preuve Les craintes des collectivités territoriales de voir se concrétiser les retours sur les investissements consentis ne sont toujours pas levées, celles du gouvernement sur les risques d'activation de sa garantie financière non plus.
Les seuls qui ont le sourire aujourd'hui sont les représentants de VINCI, avec une concession d'une durée de 50 ans (du jamais vu), un taux de rentabilité estimé à 15%: c'est une rente quasi perpétuelle offerte à un groupement privé sur une emprise publique qui prend forme aujourd'hui. Les bénéfices iront à VINCI alors que les pertes seront assumées par la puissance publique et la SNCF.
Cette dernière ne restera pas les deux pieds dans le même sabot face au déficit d'exploitation. Les leviers sont bien connus : prix pour les usagers avec toutes les limites que cela peut avoir et productivité des organisations du travail pour les cheminot(e)s. Ces gains de productivité se faisant parfois au détriment de la sécurité, j'en veux pour preuve les récents accidents ferroviaires, celui de BRETIGNY et plus proche de nous celui de DENGUIN
La Sécurité, le service public ferroviaire en est le garant et doit le rester. Cela, la réglementation et le statut des travailleurs en est la garante. Mais les 30 000 postes de cheminots supprimés depuis 2003 et les 4000 emplois/an, annoncés et à venir ne vont pas dans le bon sens. J'adresse mon soutien aux cheminots qui luttent quotidiennement contre ces choix.
Les hommes paient très cher ces courses à la productivité et aux profits, j'ai une pensée pour les salariés qui ont travaillé sur cette magnifique halle et l'exposition au plomb de 34 d'entre eux. Ces logiques de l'argent se paient cash aujourd'hui dans la vie des salariés, j'en veux pour preuve les 69 cheminots morts sur le site de BORDEAUX par leur exposition à l'amiante.
Les hommes paient très cher cette course aux profits, mais l'environnement aussi. Je ne peux passer sous silence le coût écologique de ce chantier. La construction de la LGV Sud Europe Atlantique a causé des destructions d'écosystème et des pollutions d'une telle ampleur que deux sociétés ont été condamnées (COSEA et DTP) pour de multiples infractions aux arrêtés préfectoraux autorisant les travaux. Des plaintes ont été déposées dans le Nord-Gironde pour des infractions similaires. Le parquet de Libourne n'ayant pas classé l'affaire, nous pourrions espérer que des sanctions financières à hauteur de la démesure du chantier soient réellement prises. Cela pourrait dissuader à l'avenir les grosses sociétés de faire du greenwashing, cette stratégie de communication de tout repeindre en vert ne visant qu'à tromper les élus et les citoyens.
Je terminerai mon propos toujours sur la relation entre l'environnement et la LGV, on nous a justifié sa construction en précisant qu'elle libérerait des capacités pour les TER et le Fret.
Côté Fret, j'observe qu'aujourd'hui la SNCF et l'État n'ont pas renoncé à leur politique du tout camion. Les trafics de fret ferroviaire sont toujours aussi faible il n'existe à ce jour aucune volonté politique pour arrêter les murs de camions. J'en veux pour preuve, la jachère qu'est devenu le triage d'Hourcade à Bègles.
Côté infrastructure ferroviaire hors TGV, la SNCF accentue sa pression auprès des collectivités territoriales pour financer l'entretien du réseau dont elle a la charge. Elle procède à un chantage conditionnant la fréquence de ses dessertes par les contributions publiques. J'en veux pour preuve l'expression du comité d'usagers de la ligne de SARLAT.
La transition écologique qui s'impose à nous passe par le développement de l'outil ferroviaire au sein d'une entreprise intégrée. L'État doit trouver une solution à son financement. À ce jour, la route qui coûte très cher à la société en pollutions et en accidents est beaucoup plus subventionnée que le fret.
Il nous faut donc inverser ces choix, c'est de notre santé et de l'avenir de la planète dont il s'agit. A ce titre Mme le ministre des transports, le tandem que vous formez avec le ministre de la transition écologique, M.Hulot * vous met tous deux face à un réel enjeu. Aurez-vous le courage que n'ont pas eu vos prédécesseurs ? Quel modèle économique pour le chemin de fer ? Au fil des réformes qui découpent tous les jours un peu plus la SNCF, la question n'est toujours réglée.
Aujourd'hui la fête paraît belle, mais les réalités semblent toutes autres, entre l'incertitude économique pour la SNCF, les usagers et les cheminots, avec un coût de la minute gagnée à 150 millions d'euros, des atteintes irréversible à la nature et à l'environnement, il est probable que ce projet s'avère inutile pour la société.
Le tribunal administratif en annulant hier la Déclaration d'Utilité Publique du tronçon BORDEAUX-St MEDARD D'EYRANS commence à mettre à jour la faiblesse des arguments des promoteurs du tout TGV. Il est de mon devoir de rappeler tous ces éléments.
Loïc Prud'homme
Député de la 3ème circonscription de Gironde.
* Pour mémoire: la CAVAM a également écrit à, Monsieur le ministre de l'environnement et de la transition énergétique.