Pourquoi changer : la Sous déclaration 5
Conclusions
Rappel vu l'ampleur du sujet, nous avons abordé le rapport d'estimation de la sous-déclaration en 4 volets:
Retour sur l'article 1: Présentation du rapport 1 : /2024/10/tant-que-je-gagne-je-joue.html
Retour sur l'article 2: Médecine du travail : /2024/10/la-sous-declaration-suite.html
Retour sur l'article 3: L'œil des Victimes : /2024/10/pourquoi-changer-la-sous-declaration-au
Retour sur l'article 4 : Entreprise - Employeurs - Assurance Maladie /2024/10/pourquoi-changer-la-sous-declaration-au-top-4.html
Sans être exhaustif, ce dernier articles apporte quelques précisions supplémentaires
Le parti pris d’ensemble de la commission, comme lors des exercices précédents, consiste à se limiter au champ des pathologies dont le caractère professionnel pourrait être reconnu dans le cadre du dispositif juridique actuel. Par conséquent, elle aboutit nécessairement à des résultats inférieurs à ce qu’est probablement l’ampleur effective des maladies d’origine professionnelle qui reste, en tout état de cause, mal connue.
Le présent rapport évalue le coût de la sous-déclaration entre 2,009 et 3,797 Md€ pour la branche maladie du régime général. L’augmentation relativement au précédent rapport s’explique principalement par l’actualisation des études épidémiologiques, notamment relatives aux TMS et aux cancers, la hausse des coûts de prise en charge, et dans une moindre mesure par l’évolution de la population du régime général et l’élargissement du champ de la commission aux souffrances psychiques liées au travail (SPLT).
Un petit nombre de pathologies concentre la plupart des maladies professionnelles reconnues. Sur les 44 200 maladies professionnelles avec arrêt dénombrées en 2022 par la CNAM:
- 79% correspondent à des affections périarticulaires (visées au tableau n°57, -2% par rapport à 2019),
- 5% à des maladies dues à l'amiante (tableaux 30 et 30 bis, -1% par rapport à 2019),
- 5% à des affections chroniques du rachis lombaire (tableaux n°97 et n°98, -1% par rapport à 2021),
- 1% à des affections en lien avec la surdité (tableau n°42) (cf. graphique 17).
Parmi les maladies professionnelles avec arrêt, plus de la moitié induisent une incapacité permanente et/ou un décès. La répartition par pathologie des maladies professionnelles avec incapacité permanente diffère de la répartition par pathologie, car certaines maladies donnent plus souvent lieu à l’attribution d’un taux d’incapacité permanente : c’est le cas en particulier des maladies de l’amiante, en raison de leur gravité.
Ainsi, 93% des maladies de l’amiante avec arrêt de travail recensées aux tableaux n°30 et n°30 bis R depuis 2004 création d'un TA 30 ter ont donné lieu en 2022 à l’attribution d’une incapacité permanente contre 54% pour l’ensemble des maladies professionnelles. Dès lors, les maladies dues à l’amiante occupent structurellement une part plus importante dans le total des maladies avec incapacité permanente : elle atteint 8% (contre 5% pour les maladies avec arrêt), en baisse toutefois par rapport à 2019 (respectivement 11 et 6%). A l’inverse, la part des affections périarticulaires est ramenée à environ 74% du total, en légère hausse par rapport à 2019.
Les causes du nombre élevé de la sous déclaration sont récurrents et largement identifiés dans les différents articles de ce blog: avec "une mention spéciale" pour le manque de formation en général pour les personnels soignants qu'il s'agisse :
- de la médecine du travail, et de son manque d'effectifs,
de la médecine de ville, avec le manque de prise en compte des maladies professionnelles, et l'absence de la santé au travail dans le cursus d'étudiants,
- l'insuffisance de relations et de contacts entre les différents secteurs : médecin du travail - médecin généraliste (traitant) le services de santé et les hôpitaux (CHU ou autres)
Un autre facteur a été largement évoqué et détaillé dans le rapport 2024 : Le CRRMP
En application de l'article L-461-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance d'une maladie professionnelle s'appuie sur les principes suivants :
- Le système principal : lorsque la maladie à faire reconnaître est inscrite dans un des tableaux de la sécurité sociale
- Le système complémentaire :
. lorsque la maladie figure dans un tableau mais les critères de ce tableau ne sont pas respectés alinéas 6
. la maladie ne figure dans aucun tableau de la SS alinéas 7 de l'article L-461-1
Pour le système complémentaire le dossier est dirigé vers le CRRM (comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles)
Conformément à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ces comités interviennent en premier recours pour des maladies hors tableaux (alinéa 7 de l’article L. 461-1) ou ne remplissant pas certains critères prévus par les tableaux, dans le respect de délais strictement établis (alinéa 6 du même article).
Ils interviennent également en phase contentieuse, quand l’assuré ou son employeur sont en désaccord avec la décision de (non-)reconnaissance pour donner un second avis sur demande du juge.
Pour les dossiers en alinéa 6, un lien direct doit être établi entre la maladie et le travail de la victime. Pour les dossiers en alinéa 7, pour lesquels un taux d’incapacité permanente prévisible d’au moins 25% doit avoir été établi, le CRRMP doit établir un lien direct et essentiel (article R. 461-8 du CSS) R la Cavam a présenté une fiche de requête sur ce dernier point. La jauge à hauteur de 25% est un frein injuste et un facteur de la sous-déclaration
La principale difficulté éprouvée par les CRRMP réside dans la hausse continue du nombre de dossiers examinés. En effet, en l’espace d’une douzaine d’années, le nombre de dossiers est passé de 13 000 en 2010 à environ 30 300 en 2022.
Evolution du nombre de dossiers devant le CRRMP
La hausse du nombre de dossiers examinés se répercute inévitablement sur les délais de traitement par les CRRMP. Pour les dossiers en alinéa 6 et 7 en phase précontentieuse,
l’article R. 461-10 du Code de la Sécurité Sociale (CSS) prévoit que la caisse doit statuer dans un délai de 120 jours à compter de la saisine d’un CRRMP. Les délais moyens sont globalement respectés en phase précontentieuse (plus rapide quand la maladie est désignée dans un tableau – en alinéa 6 – qu’en alinéa 7).
Evolution du nombre d'avis rendus par le CRRMP tous régimes source CNAM -DRP
Dans le cadre des contentieux portant sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie en alinéa 6 ou 7, le juge doit recueillir l’avis d’un second CRRMP, en plus de celui qui a été saisi dans un premier temps (article R. 142-17-2 du CSS). Il est à noter qu’aucun délai règlementaire n’est prévu pour ce type de dossier. Ainsi, les délais de traitement moyens se sont considérablement allongés ces dernières années, pour atteindre 276 jours en 2021
- Délais moyen de traitement en jours des dossiers par les CRRMP source CNAM-DRP 2022
Les recommandations : Il existe des différences de traitement entre les CRRMP régionaux:
Afin de réduire cette hétérogénéité, des actions ont été lancées en 2023 par la CNAM et la DGT pour harmoniser les taux de reconnaissance entre les CRRMP, notamment pour les avis alinéa 7.:
- En lien avec la Société Française de Santé au Travail (SFST), le guide des CRRMP va être modifié pour intégrer une recommandation de bonne pratique concernant la reconnaissance des troubles psycho-sociaux, qui concerne la majeure partie des dossiers en alinéa 7,
- La CNAM a également diffusé des consignes et supports permettant d’harmoniser les pratiques des CPAM et du service médical dans la préparation du dossier,
- Par ailleurs, une information est faite auprès des médecins inspecteurs régionaux du travail (MIRT), notamment membres des CRRMP, lors de la publication d’un nouveau tableau ou du guide CRRMP actualisé. La DGT informe que des communications auprès des Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) seront effectuées afin que les informations soient relayées dans les instances en matière santé et sécurité au travail au niveau local.
L’hétérogénéité des avis rendus entre les différents CRRMP reste forte. Le guide vise donc à harmoniser les pratiques et les avis rendus entre les différentes régions..
Afin de lutter contre l'engorgement des CRRMP, un décret n°2022-374 du 16 mars 2022 prévoit un dispositif d'entraide entre CRRMP: transfert des dossiers de CRRMP engorgés vers un autre CRRMP
Au regard de ces éléments, la commission recommande une animation, par la CNAM et le Ministère en charge du Travail, du réseau des CRRMP, notamment au moyen d’actions de développement professionnel continu pour harmoniser les pratiques entre les CRRMP. Elle recommande également une meilleure communication autour du guide des CRRMP. Enfin, du fait des difficultés détaillées dans ce rapport, la commission recommande de lancer une réflexion autour de la procédure complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles et le fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.
La sous-déclaration des AT/MP est mise en exergue par un rapport tous les trois ans. A chaque rapport la commission constate que les recommandations sensées améliorer un constat récurrent ne sont pas réalisées.
- Comment croire qu'il en sera autrement avec le prochain rapport de 2027 ?
- Faut-il envisager que la compensation de la branche AT/MP vers la branche maladie de la sécurité sociale tel que cela est évoqué dans le premier article de cette série, sera à la hauteur ?
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